Sable, eau douce et conflits à venir

Des États agrandissent leur territoire à grand renfort de sable. Une politique qui s’accompagne inévitablement de conflits entre grandes puissances.

@ Ruth Govaerts

 

Le monde consomme facilement deux fois plus de sable que l’ensemble de ses rivières n’est capable d’en charrier. Par conséquent, nous sommes de plus en plus contraints d’aller le chercher dans, ou plus précisément, sous la mer.

Entre-temps, deux tiers des plages de la planète voient s’écouler leur sable. D’un point de vue économique, seul le sable issu des zones de faible profondeur est en effet rentable.

L’ouest et le nord de l’Europe draguent chaque année plus de 100 millions de mètres cubes de sédiments marins dans le nord-est de l’océan Atlantique, principalement dans la Mer du Nord, moins profonde.

La majeure partie du sable que nous employons aujourd’hui est issue des mers. Ce type de sable se prête mal à la fabrication de béton, car il doit être préalablement lavé pour éliminer toute trace de sel. Le sel attaque le métal des constructions. Tout ceci signifie que nous employons toujours plus d’eau douce pour laver le sable marin.

Mais s’il y a bien une chose dont la terre regorge, c’est bien d’eau, non ?

Pénurie de sable, pénurie d’eau

Si la terre se fait appeler la planète bleue, ce n’est pas pour rien : 70 % de sa surface est couverte d’eau. Cependant, à peine 0,007 % de l’eau est douce et consommable.

Si nos terres agricoles produisent aujourd’hui deux fois plus de nourriture qu’une génération plus tôt, c’est aussi parce que nous pompons trois fois plus d’eau des rivières et des nappes phréatiques qu’à l’époque

D’après Fred Pearce, l’auteur de When the rivers run dry. Water, the defining crisis of the twenty first century (Quand les rivières s’assèchent. L’eau, la crise qui définira le vingt-et-unième siècle), nous pouvons oublier les un à deux litres d’eau potable que nous buvons chaque jour. La production d’une crème glacée requiert plus de 1 000 litres d’eau. Pour un steak, ce volume grimpe à 5 000 litres d’eau.

Si aujourd’hui, le monde entier se mettait à vivre comme l’Occidental moyen, consommateur de viande, de bière et de lait, toutes les rivières du monde ne suffiraient pas pour répondre à la demande d’eau.

Le progrès et l’accélération de la production agricole de dernière génération doivent être nuancés à la lumière de ces informations. Si nos terres agricoles produisent aujourd’hui deux fois plus de nourriture qu’une génération plus tôt, c’est aussi parce que nous pompons trois fois plus d’eau des rivières et des nappes phréatiques qu’à l’époque.

Tant que l’eau douce ne vient pas à manquer, nous pourrons continuer sur cette lancée. Mais pour combien de temps ? La transition de sable de rivière à sable de mer ne fait qu’aggraver la pénurie d’eau douce. La première crise renforce la seconde.

Conflits à venir

Chaque année, la demande de sable croît de plus de 5 %, motivée par l’urbanisation rapide. En l’espace de vingt ans, la production mondiale de ciment a triplé, accaparant une large part du sable commercialisé.

L’appétit des Chinois pour le sable n’a pas de limite, leurs réserves accessibles sur le continent sont épuisées

Cette augmentation s’envole encore plus en Inde et en Chine. Aujourd’hui, la production de plus de la moitié du ciment mondial a lieu en Chine : 58 %. En dix ans, Shanghai a construit plus de gratte-ciel que n’en compte New York.

L’appétit des Chinois pour le sable n’a pas de limite et leurs réserves accessibles sur le continent sont épuisées.

Poyang Lake, la première mine de sable au monde est aussi le plus vaste lac de la Chine. L’extraction annuelle de 236 millions de mètres cubes de sable du lac a occasionné l’abaissement du niveau de l’eau, entraînant de nombreuses conséquences néfastes pour la faune – homme y compris – et la flore.

On comprend mieux pourquoi la Chine se tourne vers l’étranger pour y trouver d’autres réserves. L’Empire du milieu importe déjà un milliard de tonnes de sable par an, une quantité cinq fois supérieure à celle de charbon importé. La grande puissance asiatique a cruellement besoin de cet approvisionnement. Un besoin qui s’accompagne de conséquences géopolitiques.

Du sable pour les îles, des îles pour le sable

En Mer méridionale, la Chine s’échine à rehausser de maigres rochers qui pointent à la surface de l’eau dans l’espoir d’en faire des îles. Si elle devait y parvenir, elle disposerait d’un argument supplémentaire pour revendiquer ses droits sur la mer qui les entoure. Ces dernières années, les tensions qui l’opposent aux pays revendiquant des zones de cette même mer montent, se soldant parfois par des pertes humaines.

Le ministre des Affaires étrangères de Trump, Rex Tillerson, ancien CEO du géant pétrolier Exxon, a affirmé que la Chine ne pourra pas obtenir l’accès aux îles qu’elle a commencé à construire.

À la suite d’un conflit entre la Chine et le Vietnam pour l’accès à une réserve de pétrole sous-marine, des navires ont ainsi déclenché des hostilités et la colère du peuple vietnamien a déferlé sur la communauté chinoise du pays.

De la même manière, les tensions concernant ce dossier entre la Chine et les USA s’accentuent toujours plus. C’était déjà le cas durant le mandat de Barack Obama et le conflit flambe de plus belle depuis l’élection de Donald Trump.

Le stratège et bras-droit de Trump, Steve Bannon, a déclaré que les USA et la Chine se déclareront la guerre dans 5 ou 10 ans et que cette guerre débutera dans la Mer de Chine méridionale.

Le ministre des Affaires étrangères de Trump, Rex Tillerson, ancien CEO du géant pétrolier Exxon, a affirmé que la Chine ne pourra pas obtenir l’accès aux îles qu’elle a commencé à construire. À quoi la Chine a réagi en communiquant que les USA ne sont pas impliqués dans le conflit de la Mer de Chine méridionale et qu’il vaudrait mieux pour eux d’en rester là.

@ Ruth Govaerts

 

Sable utilisable

Depuis la Seconde Guerre mondiale, les USA représentent la marine dominante en Asie et en Mer de Chine méridionale. La création de ces îles signifie aussi un renforcement de la présence militaire de la Chine.

Si un conflit armé devait éclater entre la Chine et les USA, il sera probablement provoqué par la lutte pour ces îles sablonneuses.

Bien que l’attention des médias se tourne principalement vers ces sources de pétrole et la surenchère militaire, The Economist écrivait le 28 février 2015 que la Chine a une autre raison de se montrer si agressive en mer. La zone dont il est question contient en effet de grandes quantités de sable utilisable.

Si un conflit armé devait éclater entre la Chine et les USA, ce qui signifierait la fin d’une ère, il sera probablement provoqué par la lutte pour ces îles sablonneuses – et par Taïwan.

Outre la Chine, un autre pays voit ses relations avec les USA se dégrader rapidement. Là aussi, le sable pourrait bien y être pour quelque chose. En effet, sur l’ensemble du territoire nord-américain, seule une entreprise exploite une faille juridique pour excaver une plage californienne.

Cette entreprise grignote littéralement les USA, les rendant smaller au lieu de greater. Et le siège social de cette entreprise se trouve … au Mexique.

Guerres de sable : de la fiction à la réalité ?

Le documentaire Sand Wars fut le premier à amener ce thème sur la place publique. Arte le sacra documentaire le plus regardé de 2013. Sa diffusion eut pour conséquence directe que l’ONU publie peu après une étude sur la problématique : Le sable, plus rare qu’il n’y paraît.

Nous extrayons le sable à une cadence dépassant de loin le cycle d’érosion du grès en sable.

Nous extrayons le sable à une cadence dépassant de loin le cycle d’érosion du grès en sable. Les déserts de sable nous jettent au sens propre comme au figuré de la poudre (dorée) aux yeux.

Ils produisent sur notre économie matérialiste exactement le même effet qu’aux yeux des voyageurs du désert épuisés : un mirage, une grande Fata Morgana.

Durant la montée du fascisme des années trente, Karel Capek, nominé au Prix Nobel de littérature, décrivait dans La Guerre des salamandres un lent effacement des normes, une stratégie capitaliste brute et l’effritement des côtes, tous causés par un monstre de notre création. Il ne pouvait pas se douter qu’un siècle plus tard, la réalité rattraperait la fiction.

L’auteur Nick Meynen travaille non seulement comme collaborateur de MO*, mais aussi auprès du European Environmental Bureau. Ce dossier est tiré de son ouvrage récemment publié, Frontlijnen. Een reis langs de achterkant van de wereldeconomie (Premières lignes. Un voyage dans les revers de l’économie mondiale).

Traduction : Marie Gomrée

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