L’auteur malaisien Tash Aw sur le déclin du Rêve asiatique

« On sait encore en Asie ce qui est bien et ce qui est mal, mais l’économie ne laisse pas de marge pour agir en fonction de cela »

CC Gie Goris

« Le Rêve asiatique est un narratif très séduisant qui donne aux gens l’espoir d’une amélioration et d’une estime de soi, car nous arrivons finalement au même niveau que l’Occident », déclare Tash Aw. « Seulement, ce rêve est un mirage pour de très nombreuses personnes. Il devient clair aujourd’hui que la vie est encore et toujours une question de survie, même si vous travaillez jour et nuit sans poser de question. Le mythe existe encore, mais on reconnaît toujours plus son caractère de mythe. Le fossé entre ce que vous voyez sur les réseaux sociaux ou au cinéma et la douloureuse réalité ne cesse de s’agrandir. La possibilité d’échapper à la pauvreté ne semble encore exister que sur Instagram », conclut M. Aw. Ce à quoi il ajoute légèrement sarcastique : « Cela explique aussi peut-être la popularité du média. »

J’interviewe l’enfant prodige de la littérature asiatique deux fois dans la même journée. Une fois dans l’après-midi, dans l’intimité d’un café vide dans l’hôtel où il séjourne, et quelques heures plus tard encore une fois dans les entrailles du Palais des Beaux-Arts, accompagné d’un public passionné.

Tash Aw n’est pas de ces auteurs cosmopolites, comme de si nombreux de ses contemporains qui ont tous suivi un cours d’écriture créative dans une université américaine et qui ont ensuite écrit des histoires sur des personnages habitant aux États-Unis mais ayant des racines dans l’un ou l’autre pays du Sud. Sa littérature est ouvertement asiatique et indubitablement locale – pour l’instant, car entre-temps, il habite à Paris, après avoir séjourné quelque temps à Londres et dans d’autres grandes villes occidentales. « Ma génération a essayé, après avoir connu une longue période sous domination coloniale, de chercher ce que pouvait signifier pour nous l’identité nationale », explique-t-il. « Un important aspect dans cette optique est la croyance que nos vies sont réalisables. Seulement, cela ne semblait pas vrai pour tout le monde. »

La raison du passage de Tash Aw à Bruxelles est la publication plus tôt dans l’année de Wij, de overlevenden, traduction néerlandaise de son dernier roman We, the Survivors. Le livre raconte l’histoire d’Ahok, un garçon sino malaisien qui grandit dans une famille pauvre. Il arrive tout de même à un moment à réussir malgré lui. Mais très vite, sa vie n’avance plus et après un moment, tout ne fait que se détériorer. Je raconte à l’auteur avoir gribouillé sur un morceau de papier un titre alternatif à la lecture du livre : L’insoutenable banalité de la pauvreté.

Tash Aw sourit. Il trouve cela plutôt bien trouvé. « Ce que j’écris », dit-il, « est aussi une réaction à la littérature sur l’Asie continentale, majoritairement écrite par des auteurs occidentaux. Ces livres regorgent du romantisme de la pauvreté rurale : on appelle cela le calme, la communauté, l’équilibre. Ces dix dernières années, ce romantisme a aussi trouvé un grand public en Asie du Sud-Est, parce que de nombreuses personnes ont troqué le village pour la ville et n’ont ensuite pas obtenu la satisfaction promise. Toutefois, tout le monde veut quitter les villages, parce que ce sont des endroits oubliés où l’on ne trouve que pauvreté et immobilité. Les Européens ne comprennent souvent pas cela, mais ce sentiment est très concret en Asie. Il existe peut-être quelques endroits où des citadins privilégiés peuvent acheter un bout de forêt, mais cela est moins lié à la nature qu’à des gated communities, des communautés fermées, et dans ce cas : des arbres isolés et surveillés, loin de ce que comprend la véritable vie villageoise. »

On remet bien trop peu en question la manière dont l’Asie s’est développée.

La tendance collective à quitter les villages est directement liée à l’obsession de devenir riche. Le précédent roman de Tash Aw, Un milliardaire cinq étoiles, aborde le sujet. Il s’inscrit, je lui suggère, dans un sous-genre croissant de la littérature asiatique : les « Romans du Rêve asiatique ». Le tigre blanc d’Aravind Adiga et Comment s’en mettre plein les poches en Asie mutante ? de Mohsin Hamid sont composés autour du même thème et le film hollywoodien populaire Crazy Rich Asians l’exploite de manière exponentielle. Tash Aw n’est pas d’accord avec ma caractérisation : « Je connais ces livres, mais ne vois aucun genre. Au contraire, je trouve que l’on observe bien trop peu la véritable obsession pour la richesse et les élites fortunées. On remet bien trop peu en question la manière dont l’Asie s’est développée. C’est précisément la raison pour en faire de la littérature. Mais les livres essaient de révéler quelque chose de la réalité en Asie contemporaine, et donc ils traitent aussi de la fascination pour la richesse et les possessions matérielles. Le Rêve asiatique implique que cette richesse soit accessible à tous. C’est le milliardaire cinq étoiles. »

Tash Aw indique immédiatement une part d’ombre à cette aspiration à la richesse : « Le Rêve asiatique implique que vous tirez vous-même les ficelles, que vous êtes responsable de chaque aspect de ce qu’il se passe dans votre vie. Celui qui est riche, le mérite. Celui qui est pauvre, doit s’en prendre à lui-même. Grandir en Asie signifie que vous êtes chaque jour abreuvé de cette conviction. Nous croyons vivre dans une véritable méritocratie, et donc l’existence de structures sociales et leur impact sur les vies individuelles est tout simplement nié. »

Dans We, the Survivors, Tash Aw pose la question de savoir si tout cela est bien juste. « C’est l’histoire de l’Asie qui se heurte aux frontières de sa propre confiance en le progrès. On prend peu à peu conscience que le travail acharné et l’étude n’apportent pas grand-chose à ceux nés en marge de la société. Des personnes travaillent jour et nuit, et peuvent pourtant à peine payer les factures à la fin du mois. Avec cela, s’évapore aussi leur certitude que tout le monde peut progresser et mener une vie prospère. »

« La fin du Rêve asiatique a des conséquences très profondes », explique Tash Aw, « car c’était de toute première importance pour la manière dont on a vécu ces vingt, trente dernières années. Les gens étaient alors certains que leurs enfants auraient de meilleures chances d’étudier et de mener de meilleures vies qu’eux-mêmes. Si cette croyance disparaît, la vie redevient un enchaînement de factures qui doivent être payées sans savoir comment. Ces dix dernières années, les gouvernements avaient beau être répressifs ou corrompus, la population se laissait faire parce que leurs salaires continuaient à augmenter et leurs perspectives à s’améliorer. Ce n’est plus le cas. »

« La fin du Rêve asiatique a des conséquences très profondes. »

Pourtant, je réplique, la croissance économique continue, en Chine certainement, mais aussi en Asie du Sud-Est. Tash Aw n’est pas impressionné : « En Chine, une croissance de six pourcent n’est pas perçue comme une “croissance”, mais comme une diminution de quatre pourcents par rapport à précédemment. Et en Malaisie, il n’y a sûrement plus de croissance du pouvoir d’achat, même si les tableaux montrent que le produit national brut augmente de 3,3 pourcents. La seule chose que la population ordinaire voit encore augmenter, sont les impôts. Le sentiment de progrès, de perspectives florissantes, s’est évanoui. Entre-temps, outre les communautés traditionnelles de Malaisie, sont arrivées des millions de personnes. Ces récents migrants (du Bangladesh, de Myanmar, d’Indonésie, du Népal) se retrouvent complètement en bas de l’échelle. Si l’économie continue encore à bien tourner, c’est grâce à leur main-d’œuvre bon marché, mais ils sont les derniers à en profiter. »

Ce Rêve asiatique n’était pas une poussée temporaire d’optimisme, basée sur la période de croissance rapide de ces dix dernières années, je suggère. Lee Kuan Yew et Mahatir Mohammad, les dirigeants historiques et respectifs de Singapour et de la Malaisie, menaient déjà un plaidoyer dans les années 1990 où la croissance et la grandeur étaient vues comme faisant logiquement partie de la culture asiatique : une culture de travail acharné, de respect pour les rapports hiérarchiques et où la priorité va au bien-être collectif plutôt qu’à la prospérité individuelle.

Tash Aw se montre critique. « Lee Kuan Yew et Mahatir Mohammad ont réussi à l’époque à relier certains éléments des cultures traditionnelles avec un capitalisme néo-libéral agressif. Leurs « valeurs asiatiques » ont surtout servi à défendre des structures d’inégalités et d’injustice. Oui, nous grandissons avec un respect énorme de l’autorité dans la famille et ne contredirons pas les parents ou grands-parents. Mais Lee et Mahatir ont utilisé cet élément pour baser leur politique autoritaire dessus. Cela retire aux personnes la marge et la possibilité de remettre en question le système qui les abandonne à leur sort. Le résultat ? Des pays où la liberté d’expression n’existe pas ou est régularisée de manière extrêmement stricte. Je trouve plutôt révoltante l’idée selon laquelle une société sans attention pour les droits de l’homme fondamentaux est profondément enracinée dans la culture asiatique. »

L’ emprise d’un gouvernement autoritaire dans le débat public est un phénomène connu. En Indonésie et en Malaisie, le contrôle sur la liberté d’expression s’est un peu relâché ces dernières années, et s’est nettement renforcé, et au Viêtnam et au Cambodge, cette liberté n’a jamais vraiment existé. C’est, en d’autres termes, un environnement qui ne peut jamais être tenu pour acquis par les écrivains, je déclare.

« Tout le monde travaille, c’est certain, avec un degré de précaution et de prudence, même si un roman de plus de trois cent pages n’est pas si dangereux. Car qui le lit ? »

Tash Aw : « Tout le monde travaille, c’est certain, avec un degré de précaution et de prudence, même si un roman de plus de trois cent pages n’est pas si dangereux. Car qui le lit ? La non-fiction ou les billets d’opinion dans le New York Times, comme je l’ai écrit pendant des années, posent plus de problèmes. Mais je suis en tout cas plutôt un auteur de romans qui étudie l’impact humain et personnel de développements sociaux, et mes lecteurs sont de toute façon d’abord en quête d’un miroir de leur vie individuelle dans les histoires que j’écris. Et je pense à vrai dire que c’est plus puissant qu’un pamphlet politique », conclut-il.

La raison pour laquelle Tash Aw s’est mis à écrire était la mise en évidence des personnes avec lesquelles il a grandi : sa famille, sa communauté, et par la même occasion lui-même. Cette communauté, ce sont tout d’abord des Malaisiens d’origine chinoise. « Je n’ai compris que tard ma ‘différence’ ». Enfant, j’entendais souvent : « Reviens d’où vous venez. » ou « Retourne en Chine. » Je pensais sérieusement que ces déclarations visaient quelqu’un d’autre, car j’étais « d’ici », j’étais ici autant chez moi que tous les autres. C’est seulement à partir de l’adolescence que j’ai commencé à comprendre que cela s’adressait bien à moi, à ma famille et à presque tout le monde avec lequel j’ai grandi. Cette prise de conscience a changé la manière dont je pensais de moi-même. Car votre image personnelle est toujours formée par ce que les autres pensent et disent de vous. Vous devenez extérieur et étranger par ce traitement. »

Tash Aw  a aussi rencontré dans la littérature l’exclusion à laquelle il a été confronté en tant que Sino-Malaisien. « Comme nous n’avions pas d’existence publique, je souhaitais donner une vie, un nom et une existence aux migrants chinois dans mes histoires. Cela donne aux hommes de la valeur et de la fierté même s’ils ne lisent peut-être pas de roman entier, et sûrement pas en anglais. Ce sont des personnes qui ne se préoccupent pas de politique et de gestion, mais de la fin du mois, ou se demandent comment ils vont traverser le jour suivant. Mais ils savent bien se voir attribuer une existence dans un espace qui ne leur était jamais réservé. »

Rendre visibles à travers des histoires une minorité ethnique comme les Chinois ou les Tamouls n’est jamais un choix littéraire pur. La représentation, ethnique, devient d’elle-même politique dans un pays qui doit faire face à de graves affrontements entre les trois grands groupes ethniques (les Malaisiens, les Chinois et les Tamouls). De cette période de tensions et d’affrontements anti-chinois, est aussi née l’idéologie boemipoetra de l’ État malaisien. Boemipoetra signifie littéralement « enfant de la terre » et renvoie aux habitants malaisiens de Malaisie, qui bénéficient d’une discrimination positive, même s’ils forment la majorité.

Est-ce que le choix de personnages principaux et d’entourage sino-malaisiens constitue surtout une manière d’appuyer sa propre communauté ou est-ce que cela va plus loin et nous devons lire ses romans comme une prise de position manifeste contre l’idéologie de bumipoetra ? Tash Aw : « Rendre visible la véritable existence de minorités et raconter leurs histoires, est déjà une forme de révolte contre l’idéologie dominante. Le message est en effet que ceux propulsés dans la position de « l’autre », mènent des vies véritablement émotionnelles et politiques, et ont donc tout autant droit à la citoyenneté et à la participation que tout le monde. Je ne conçois pas cela comme anti bumipoetra, mais comme pro égalité des droits. »

« Rendre visible la véritable existence de minorités et raconter leurs histoires, est déjà une forme de révolte contre l’idéologie dominante. »

Dans Wij, de overlevenden, on dirait que la communauté chinoise de Malaisie n’a jamais participé au Rêve asiatique et qu’il n’existe tout simplement aucune perspective aujourd’hui. On trime et essaie à fond, mais cela ne mène finalement à rien. Est-ce que ce n’est pas une vision trop pessimiste de la vie, je demande. Tash Aw secoue la tête un instant. « C’est la vie de la majorité des Sino-Malaisiens, de ce que j’en vois », répond-il.

Les conditions de vie totalement inacceptables et le traitement de millions de travailleurs migrants – avec et sans papiers – jouent peut-être encore un rôle plus important dans le schéma du roman. « La strate supérieure riche et la strate inférieure des migrants interagissent très peu. Les migrants nettoient les maisons des riches, entretiennent les jardins, travaillent dans leurs entreprises, mais on les rencontre à peine. C’est différent pour les chauffeurs de bus, les maçons, les marchands ambulants… Leurs vies sont pressées contre les vies des nouveaux immigrants, sans tampon ou distance économique. Les migrants fournissent des services à de riches Malaisiens, mais représentent une menace pour les Malaisiens pauvres. Dans ce contexte, le racisme est aussi plus qu’un problème moral, il devient existentiel. »

Et donc, l’exploitation des migrants est organisée et exécutée par des personnes qui appartiennent encore à une classe supérieure dans la société. Pas par la classe supérieure elle-même, même si elle profite véritablement de l’exploitation. Le fait que les « concurrents » en marge se retrouvent aussi confrontés entre eux, peut mener à une conscientisation de véritables rapports de pouvoir dans le pays, et donc à une solidarité mutuelle plutôt qu’à la compétition ?

« Cela me semble exagérément idéaliste », réagit Tash Aw. « Dans aucun cas, je ne vois cela arriver. Ce qui arrive par contre, est que le racisme le plus cru vient d’en bas. Les personnes qui ont été victime de violence sociale, sont maintenant dans une position d’exercer une violence sociale sur des personnes encore plus vulnérables – et ils font usage de cette possibilité. Car c’est la seule manière qu’ils connaissent pour composer avec le pouvoir. Les personnes plus riches ne connaissent pas non plus d’autre manière, car leur richesse en est encore à ses débuts. Quand j’ai grandi, la plupart des personnes étaient encore pauvres. Et donc, ils répètent auprès des migrants ce qu’ils ont eux-mêmes subi par le passé. Ce n’est pas une excuse, mais une constatation. Au sein de la communauté chinoise, on entend que « nous sommes arrivés dans des bateaux et nous devons nous élever » et qu’il revient donc aux primo-arrivants de se réaliser. On oublie facilement que la Malaisie d’il y a un demi-siècle était un autre pays que la Malaisie actuelle. »

Le moment charnière dans We, the Survivors est celui où Ahok assassine un migrant. Il n’est pas question de préméditation, mais est-ce que cela en fait un cas de folie et de violence gratuite ? Tash Aw : “ La plupart des lecteurs en Malaisie veulent  absolument y croire, parce que l’autre solution est que cet incident soit un cas de violence raciste, une manière brutale et physique de faire ce que la société fait dans son ensemble, à savoir : ignorer les migrants et leur retirer une vie digne. »

Comme l’histoire ne cesse de revenir sur le meurtre, le préambule, le procès et les conséquences, on remarque encore davantage qu’il n’est pas ou à peine question de culpabilité ou de pénitence. L’indignation morale face à la violence commise par d’autres personnes semble faire défaut. Les meurtriers ou les victimes semblent être d’accord sur une seule chose : la violence existe, et vous ne faites que l’accepter. Est-ce que les villages et les villes ont le même comportement face à la violence en Malaisie ?

« Ce n’est pas que les gens ont perdu leur intuition morale, mais ils trouvent extrêmement difficile de l’appliquer dans la réalité quotidienne. »

Tash Aw : « Ce n’est pas qu’Ahok ne sait pas ce qui est bien ou mal, il connaît la valeur de son comportement et de la vie. Mais sa vie présente des choix et des moments qui restent inimaginables pour quelqu’un de la classe moyenne. Est-il moins éthique que par exemple l’intervieweuse du livre, qui est choquée par la violence ? Ou doit-il agir de façon pragmatique avec ce qui s’impose dans sa vie, parce qu’il n’a pas la chance de s’en détourner ? Quelqu’un de la classe moyenne vit à une si grande distance de la mort et de la violence, qu’il peut facilement se permettre d’être indigné. »

J’argumente qu’il doit y avoir plus en jeu, car l’absence de réelles options dans la vie des pauvres est aussi vielle que le monde. Ils développent tout de même souvent des limites éthiques et des normes sociales très claires, précisément pour pouvoir conserver un minimum de dignité humaine dans la pauvreté et la privation. « Cette boussole morale des cultures traditionnelles est perturbée par la montée d’un capitalisme néolibéral impitoyable », déclare Tash Aw. « Ce n’est pas que les gens ont perdu leur intuition morale, mais ils trouvent extrêmement difficile de l’appliquer dans la réalité quotidienne. C’est de cela aussi, que traite en grande partie We, the Survivors. La restructuration de la société par de nouvelles lois économiques pousse l’action éthique vers la marge. À l’échelle individuelle, les gens ont encore l’impression de vouloir faire le bien. Ils hésitent à porter préjudice, ils veulent se repentir ou regrettent avoir commis quelque chose de mal. Seulement, ils n’ont plus le temps ou l’espace de se taire sur les événements ou d’éprouver de la compassion pour les victimes. »

La croissance économique et l’arrivée de la richesse a résulté en une société où tout le monde doit lutter pour sa survie. Pourtant, Tash Aw a opté pour le titre We, the Survivors, et non Me, the Survivor. « Parce que derrière chaque aspiration individuelle se trouve clairement un nous. Parce que l’on retrouve une expérience selon laquelle nous, en tant que société, ne continuons plus à progresser ou à prospérer dans chaque histoire individuelle. Cette histoire individuelle est finalement l’histoire de toute la société. C’est la raison pour laquelle la présence de Su Min, l’intervieweuse, est si importante. Il est impossible de raconter l’histoire de discrimination et de pauvreté sans raconter à la fois une histoire de privilèges. Car il est finalement question d’une très grande division de la société. »

Je raconte que Su Min incarne pour moi moins la lutte des classes – même si c’est évidemment également le cas – mais que je la perçois tout d’abord comme un substitut au lecteur. Elle souhaite écouter l’histoire d’Ahok, mais cela la met mal à l’aise. Elle est la voyeuse qui regarde à l’intérieur des vies sans perspective des pauvres qui survivent dans un autre univers que le sien. Et elle est en même temps aussi l’auteur : pas le narrateur omniscient, mais l’interviewer qui dépend du récit du véritable personnage principal, de sa perspective et de ce qu’il partage ou tait. Dans le roman, cela donnera naissance à un livre, mais il ne se sent pas à l’aise lors de la présentation de sa propre histoire. Il quitte la réception, alors qu’elle continue à parler de son beau travail.

Tash Aw : « Ahok est un reflet de mes cousins et des amis avec lesquels j’ai grandi, qui me tiennent très à coeur et que j’aurais pu être si je n’avais pas eu de chance un certain nombre de fois. Su Min est la personne que je suis devenue, l’écrivain de la classe moyenne. Elle possède la langue, elle décide de la structure de l’histoire. Je fais partie de cette histoire de plus d’une manière, mais la plupart des lecteurs également. »

Traduit du néerlandais par Geneviève Debroux

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