Le nouveau mandat de la MONUSCO changera-t-il la donne au Congo?

Un sentiment de déjà-lu : tous les 31 mars depuis 1999, le mandat de MONUSCO est prorogé, résolution après résolution.

  • © Ivan Godfroid Campement de la MONUSCO dans le parc de Virung, Rwindi © Ivan Godfroid
  • © Ivan Godfroid Le campement des troupes indiennes dans le parc Rwindi © Ivan Godfroid
  • © Ivan Godfroid Le rôle de la MONUSCO est avant tout d’ordre logistique © Ivan Godfroid

Vendredi 31 mars. C’est reparti pour un an. Le Conseil de sécurité de l’ONU a, une fois de plus, prorogé le mandat des casques bleus en République démocratique du Congo (RDC). Conformément à l’appel de plus en plus pressant de Kinshasa au retrait des soldats, la mission devra cette année diminuer le total de ses effectifs de 19 815 à 18 316 intervenants.

Sur le terrain, cette diminution ne concerne que quelques centaines de postes, car tous n’étaient pas occupés. Une concession de nature symbolique. Par ailleurs, le budget quotidien de la mission reste pratiquement inchangé, de l’ordre des 3,5 millions de dollars. Chaque jour, donc, MONUSCO dispose d’un portefeuille équivalent au budget dont l’ONG Îles de paix doit se contenter pour quatre années de son programme de soutien aux producteurs de café. Enfin, ne comparons pas grenades et grains de café.

La “nouvelle” facette de ce mandat, hormis la traditionnelle protection de la population et le mandat exceptionnel plutôt controversé de sa Brigade d’intervention, consiste à coopérer à l’exécution des accords dits de la Saint-Sylvestre passés entre la Majorité politique (MP) et le Rassemblement de l’opposition et, par conséquent, à participer à l’organisation des élections.

Profonde préoccupation

Concernant la protection des civils, les résultats sur le terrain s’annoncent maigres. Pour la province du Kasaï, il faut reconnaître que la MONUSCO n’avait pas suffisamment d’effectifs sur place, et n’était donc pas préparée à la rapide dégénération de la situation. Dans la région de Beni, en revanche, des troupes sont établies depuis des années. S’il y a bien un endroit où elle aurait pu montrer de quoi elle était capable, c’était par conséquent celui-là. L’ONU en personne ne peut qu’admettre son échec, en ces mots, dans sa résolution :

Le Conseil de sécurité condamne le massacre de plus de 1 000 civils dans la région de Beni depuis octobre 2014, dont plus de 230 au cours de la seule année 2016, certains de ces civils ayant été tués à proximité de bases de la MONUSCO, exprime sa profonde préoccupation devant la persistance de la violence dans cette région, souligne qu’une enquête approfondie sur ces attaques doit être menée dans les meilleurs délais afin d’amener les auteurs à répondre de leurs actes, et demande au Gouvernement de la République démocratique du Congo de mener de nouvelles opérations militaires, dans le respect du droit international, notamment du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, selon qu’il conviendra, en coordination avec la MONUSCO et avec l’appui de cette dernière, conformément à son mandat, en vue de mettre fin à la menace que représentent les groupes armés présents dans l’est de la République démocratique du Congo.

À la lecture de ces regrets, on pressent qu’aucun changement concret n’aura lieu. Les morts continueront de s’accumuler. L’enquête ne sera pas menée de façon indépendante. En admettant qu’elle soit menée. À Beni, elle se fait attendre depuis deux ans et demi malgré l’ampleur, la fréquence et la cruauté des attentats commis dans la région. Pourquoi cela changerait-il dans les années qui viennent ? Dans la prochaine résolution, le 31 mars 2018, ce paragraphe sera inévitablement modifié çà et là, mais le sentiment de déjà-lu sera toujours au rendez-vous.

Bonnes intentions

Mais alors, qu’en est-il de la nouveauté de ce mandat ? De tout temps, l’ONU a soutenu les élections. Certes, il est aussi important qu’utile de mettre à disposition de l’État des urnes et des ordinateurs pour l’enregistrement des électeurs, et de les transporter par avion. Cette aide fera-t-elle cependant réellement la différence ? Les questions logistiques et techniques resteront secondaires tant que la volonté politique se fera attendre.

Après trois mois de négociations autour de l’exécution des mesures visant à rattraper le retard dans l’organisation des élections, les bonnes intentions des dirigeants de Kinshasa ne convainquent plus personne. Plus ça dure, plus la probabilité que ces élections aient lieu avant le terme de l’actuel mandat s’amincit. De plus, aucune institution politique congolaise n’a été dissolue une fois sa date de péremption passée. Pourquoi diable gaspiller du temps et de l’argent à de nouvelles élections, dans ce cas ?

Tandis que certains sont grassement rémunérés pour des balivernes stériles, des groupes armés voient le jour aux quatre coins du Congo et s’emparent de la place vide du pouvoir. Ce 1er avril est parue l’information qu’un nouveau groupe armé avait pris le contrôle d’une cité. Et ce n’était pas un poisson d’avril. Le pouvoir central est refoulé vers la périphérie, zone où se situe Kinshasa, il est vrai. Le gouvernail de la RDC tourne dans le vide.

Le rôle de la MONUSCO se voit totalement subordonné à celui du gouvernement. Autrement dit, tant que le gouvernement ne prendra pas ses responsabilités, la MONUSCO ne pourra agir. Voilà pourquoi elle s’agite tant à transporter du matériel électoral. Parce que ça, elle y est autorisée, elle en a les moyens. En effet, elle dispose d’une vaste flotte aérienne, à l’inverse du gouvernement. Ces transports lui donnent quelque chose à montrer. Cette action lui fournit de beaux clichés à partager sur son site et les réseaux sociaux.

© Ivan Godfroid

Le campement des troupes indiennes dans le parc Rwindi

Exemplaire

Dans l’alinéa concernant la réforme du secteur de la sécurité de sa résolution, le Conseil de sécurité de l’ONU demande à la MONUSCO de collaborer avec le gouvernement de la République démocratique du Congo afin qu’il puisse réformer l’armée nationale de manière à la rendre plus responsable, plus efficiente, plus autonome, mieux entraînée, plus sélective et plus efficace, en conformité avec les dispositions de la Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme de I’ONU, tout en gardant à l’esprit que tout appui fourni par les Nations Unies, notamment sous la forme de rations ou de carburant, doit l’être dans le cadre d’opérations conjointes et faire l’objet d’un contrôle et d’un examen minutieux.

Pourtant, l’armée n’a pas la tête à la réforme. En visite à Beni le 27 mars, le chef d’état-major de la force terrestre de la RDC a déclaré sans sourciller : ‘Nous sommes très honorés par leur façon de travailler. Nos militaires se comportent très bien.’ Et ceci alors que la liste des atrocités et délits commis par des militaires s’allonge chaque jour.

Je ne vous parle même pas des vidéos montrant des manifestants non-armés se faire tuer dans la région du Kasaï, des fosses communes retrouvées là-bas – 27 à ce jour, de l’assassinat des deux experts onusiens et de leurs collègues congolais. Aucun élément ne prouve formellement la responsabilité de l’armée pour ces faits, bien que d’aucuns nourrissent de puissants soupçons à ce sujet.

Le comportement “exemplaire” des troupes congolaises est du reste visible à tout moment, notamment dans les barrières illégales visant à rançonner les usagers de la route. Une ONG locale active à Ituri tire la sonnette d’alarme. Pratiquement au même moment, IPIS (International peace information service) publie une étude démontrant que dans les territoires de Walikale et de Masisi, l’armée exploite 44 % des barrages routiers illégaux. Dans la région de Butembo, les soldats jugent que leur lutte contre les Maï-Maï leur octroie le droit de piller l’ensemble de la population locale.

Il semble dès lors naturel d’attendre qu’après 17 ans de présence dans la région, les forces onusiennes de maintien de la paix aient un effet sur la réforme du secteur de la sécurité, non ? Voire que la MONUSCO en fasse précisément l’un de ses objectifs finaux et prévoie son retrait graduel à mesure que ses résultats se feraient plus importants, devenant peu à peu superflue ?

Feuille de route

À la lecture de ce passage de la nouvelle résolution de l’ONU, je retiens ma respiration :

Le Conseil de sécurité de l’ONU souligne que le retrait de la MONUSCO doit s’effectuer par phases et de façon progressive, en fonction d’objectifs spécifiques définis de concert avec le Gouvernement de la République démocratique du Congo et en consultation avec d’autres parties prenantes, le Secrétaire général étant prié de lui faire rapport à la fin de chaque phase et à intervalles réguliers des progrès accomplis et de formuler toutes recommandations nécessaires concernant la planification des phases ultérieures du retrait, et attend avec intérêt la reprise d’un dialogue stratégique entre le Gouvernement de la République démocratique du Congo et l’Organisation des Nations Unies à cet égard.

Mais je sais que c’est tout vu : comment négocier une feuille de route avec une majorité politique qui ne peut (ou ne veut) pas organiser de simples élections, sous l’œil attentif d’institutions ayant toutes perdu leur légitimité constitutionnelle ? Une majorité qui, après avoir tergiversé trois mois pour exécuter un accord conclu lui aussi après des mois de tergiversations, ne peut (ou ne veut) pas constituer un gouvernement ? Comment, dans ces conditions, reprendre le dialogue, alors que rien ni personne ne permet un dialogue ? Est-ce là que ce que le CS attend d’une MONUSCO qui n’a aucun intérêt à se rendre elle-même superflue, étant donné que cela signifierait sa propre raison d’être ?

Voilà ce qui me décourage : la perspective d’un cul-de-sac. Une impasse extrêmement coûteuse, qui plus est. C’est d’ailleurs ce qui sonnera le glas pour la MONUSCO, lorsque Trump fermera le robinet de son financement. Faut-il par conséquent anticiper ce moment, s’en servir pour orienter son action ? Ce n’est une option envisageable pour aucune des deux parties concernées : d’une part, les dirigeants désirent uniquement que les casques bleus décampent, leur laissent le champ libre et surtout, qu’ils ne se mêlent pas de changements structurels pourtant si urgents dans le pays, et d’autre part, les casques bleus veulent poursuivre leurs activités dans ce domaine si facile qu’ils affectionnent tant : la logistique grassement payée.

Mais, et la population congolaise, dans tout ça ? Bah, elle a déjà tellement l’habitude que des hommes en uniforme la terrorisent, la dévalisent, la pillent, la violent, la martyrisent, l’assassinent…

Traduction : Marie Gomrée

© Ivan Godfroid

Le rôle de la MONUSCO est avant tout d’ordre logistique

 

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