‘Une nouvelle conférence nationale pour la paix au Congo’

Le mercredi 16 janvier 2013 Broederlijk Delen et Pax Christi Vlaanderen, en collaboration avec MO*, ont invité 5 intervenants pour le débat : ‘La guerre au Congo. Comment construire une paix durable ?’. Les invités ont analysé la nouvelle crise sécuritaire autour du ‘Mouvement du 23 Mars (M23)’ et ont étudié différentes pistes qui puissent mettre fin aux guerres successives. ‘Il faut de la volonté politique au niveau congolais, africain et international pour construire la paix dans l’Est du Congo.’

1. La guerre au Congo

Une responsabilité rwandaise et congolaise

Depuis les années 90 la République démocratique du Congo (RDC) vit un des conflits les plus sanglants du monde. Après la Première Guerre (1996-1997), la Deuxième Guerre (1998-2003) et le conflit du CNDP (2004-2009), la naissance du ‘Mouvement du 23 Mars’ (M23) en 2012 a provoqué une nouvelle crise en RD Congo.

Le chercheur Steven Spittaels a lançé le débat avec une introduction sur la naissance et l’évolution du mouvement politico-militaire M23 dans la province de Nord Kivu. Etant un des experts des Nations Unies (ONU), il est bien au courant de ce qui s’est passé sur le terrain. ‘Sans le Rwanda il n’y aurait pas de M23’. Cela manque de nuance, mais c’est une façon de souligner le soutien actif du gouvernement rwandais au M23. Les experts de l’ONU ont constaté ce soutien sur base de plusieurs témoignages :

  • 100 interviews avec des anciens rebelles du M23, dont 50 se sont présentés comme des rwandais
  • des membres actifs du M23 qui collaboraient avec l’armée rwandaise
  • interviews et recherches dans le territoire du M23
  • des anciens fidèles du président rwandais Paul Kagame

Le facteur rwandais, et dans une moindre mesure le facteur ougandais, sont très importants dans la crise du M23, mais le Congo porte aussi une grande responsabilité interne. Le gouvernement de Kinshasa fait face à un problème sérieux de mauvaise gouvernance dans plusieurs secteurs, ce qui cause du mécontentement et de la frustration, utilisés par le M23 pour justifier sa lutte armée. Le mouvement a fait de son mieux pour développer une idéologie. Lors de sa naissance, le M23 n’avait qu’une revendication : mener des négociations directes avec le gouvernement congolais concernant l’implication des accords de paix du 23 mars 2009 . Plus tard, le mouvement a ajouté d’autres demandes, concernant la sécurité et la défense, la situation sociale et économique, le processus électoral, les droits de l’homme, etc.

Ces revendications consistent une stratégie claire pour ranger les opposants du régime Kabila au côté du M23. Le rapport des experts démontre aussi que le M23 a essayé de nouer des alliances avec d’autres groupes armés au Nord et Sud Kivu et dans la région d’Ituri (Provence orientale).

M23 n’est qu’un problème dans un ensemble complexe

En 2012, on a prêté beaucoup d’attention au M23. Cependant, une cinquantaine d’autres forces armées congolaises et étrangères opèrent en Ituri, au Kivu et au Nord-Katanga. Dans les années 90 des forces armées locales ont surgi dans l’Est du Congo (ancien Zaïre). Quand le régime de Mobutu a mis à côté les chefs locaux, la population ne se sentait plus représentée par les structures du pouvoir au niveau local. L’absence d’une armée régulière performante et un manque de confiance envers la police incitaient les citoyens à prendre en main leur sécurité. Dans ce contexte, des groupes armés locaux surgissaient au Masisi et à Walikale (Nord-Kivu). Ces groupes étaient, en quelque sorte, ‘des groupes d’autodéfense’. Plus tard, plusieurs de ces groupes prendraient aussi une position politique dans l’espoir de pouvoir participer aux négociations et de profiter du partage de pouvoir.

Actuellement, beaucoup de forces armées dans l’Est du Congo ne sont plus locales. Elles ont des relations avec les autorités à Kinshasa et même avec des réseaux dans des pays voisins et dans le reste du monde. ‘Il y a deux crises au Congo. Premièrement la crise liée aux pays voisins le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda. De plus, il y a la crise congolaise même. Les deux crises se rejoignent dans l’Est du Congo.’

2. Construire la paix au Congo

Force militaire régionale ou dialogue politique national ?

Malgré les échecs militaires contre le M23, dont le plus important fut la chute de Goma (Nord-Kivu) en novembre 2012, le président Joseph Kabila continue à choisir une stratégie militaire. Pour l’instant il serait en train de militariser des groupes dans l’Est pour lutter contre le M23. Certains de ces groupes veulent bien soutenir l’armée congolaise (FARDC ), mais refusent d’appuyer le pouvoir de Kabila. Ce soutien militaire de Kinshasa provoque une dynamique dangereuse ; le Rwanda l’utilise comme justification pour considérer Kabila comme un danger.

‘Comment Kabila veut-il créer une stratégie militaire contre le M23 avec une armée faible ?’ Tandis qu’une délégation du gouvernement congolais mène des négociations difficiles avec des chefs du M23 à Kampala (Ouganda), Kabila cherche des partenaires militaires au sein de la SADC . Récemment on a approuvé l’intégration des forces africaines dans la mission onusienne (MONUSCO). Ces troupes additionnelles qui proviennent entre autres de la Tanzanie, devraient neutraliser des ‘forces négatives’ comme le M23 et les FDLR . Est-ce que Kinshasa opte résolument pour une stratégie militaire à l’Est du Congo ? Est-ce que le dialogue à Kampala est une manière de gagner du temps pour préparer une nouvelle guerre ?

L’opinion publique au Congo est convaincue que la diplomatie a montré ses limites dans la résolution des crises sécuritaires. ‘Les négociations récentes et les accords de paix qui s’en suivirent n’ont pas apporté la paix. Le M23 en est une preuve.’ Cependant la nouvelle situation de guerre cause maintenant une dynamique intéressante au Congo. La société civile tient un plaidoyer pour l’organisation d’un nouveau dialogue politique national comme la ‘Conférence Nationale Souveraine’ au début des années 90. Le but est d’avoir un dialogue nationale pendant une quarantaine de jours sur la construction de la paix et des processus politiques dans le pays. Participeront éventuellement aux discussions : des partis politiques de la majorité et de l’opposition, la société civile (l’Eglise incluse), des institutions politiques comme le parlement, la diaspora et l’intelligentsia congolaise.

Un processus politique avec un envoyé spécial de l’ONU ?

La crise du M23 a insufflé une nouvelle vie à la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL). Cependant, le dialogue à Kampala est confronté à un problème de crédibilité. L’Ouganda fonctionne comme médiateur, bien qu’il soit accusé de soutenir le M23. C’est pour cette raison que la communauté internationale pense nommer un envoyé spécial de l’ONU. ‘La nouvelle crise autour du M23 est une occasion unique d’introduire une approche nouvelle. La naissance du M23 prouve que les solutions précédentes n’ont pas fonctionné. Mais pour l’instant il n’y a pas d’inspiration pour de nouvelles idées.’ Si un envoyé spécial de l’ONU est nommé, il devrait surtout mener un processus politique au lieu d’un nouveau processus de paix. Il/elle devrait aussi avoir un bon réseau international afin de réussir sa mission.

Neutralisation des FDLR avec la collaboration du Rwanda

Une autre piste de solution est la neutralisation des FDLR. Pendant plusieurs années, tant le Rwanda que les groupes armés soutenus par ce pays, justifient leur présence à l’Est du Congo en considérant les rebelles hutus comme un danger pour l’état rwandais et les Rwandophones au Kivu. En 2008 le Congo a invité l’armée rwandaise à effectuer des opérations militaires contre les FDLR. Le gouvernement à Kinshasa faisait croire à la population que les opérations avaient résolu le problème des rebelles hutus. Après il s’est avéré que c’était un mensonge. ‘La stratégie militaire contre les FDLR a échoué. Il vaudrait mieux essayer de trouver une solution diplomatique et politique pour le problème des FDLR. Cela exige une collaboration constructive de la part du Rwanda.’

Réforme approfondie de l’armée sur base d’une vraie volonté politique

Les 5 intervenants sont d’accord : une piste très importante pour la construction de la paix, est la réforme profonde de l’armée congolaise (FARDC). Mais il y a — t- il la volonté politique à Kinshasa ? Les opinions sont divisées. Certaines personnes pensent que c’est une stratégie de Joseph Kabila, président depuis 2001, de ne pas vouloir construire une armée. En effet, une armée congolaise avec une forte capacité militaire pourrait devenir un vrai contre-pouvoir et, par conséquent, menacer le régime au pouvoir.

En plus, une armée faible est favorable pour l’entourage de Kabila qui s’enrichit en utilisant des réseaux maffieux au sein des structures militaires. Par exemple, ce n’est pas un secret que l’ancien chef d’état-major de la force terrestre, le général Gabriel Amisi ‘Tango Fort’, s’enrichit avec des pratiques criminelles. Pourquoi est-ce que Kabila a attendu la publication du dernier rapport de l’ONU en novembre 2012 pour suspendre Amisi de ses fonctions ? ‘Il est quand-même remarquable qu’il n’y a pas (encore) eu de licenciement ni de poursuite juridique.’

D’autres personnes croient que Kabila veut bien une armée forte, mais qu’il ne maîtrise pas les troupes. En outre, le président n’est souvent pas celui qui apporte les solutions. Il agit sous la pression des partenaires internationaux qui imposent des ‘solutions’. ‘Par exemple, le ‘mixage’ ou le ‘brassage’ de rebelles dans l’armée gouvernementale n’étaient pas des solutions congolaises, mais une idée de l’Occident.’

‘D’ailleurs, il est illusoire que l’Occident ait investi massivement dans la construction de l’armée congolaise.’ Il y a la mission européenne EUSEC et l’entraînement de bataillons, mais si on considère les besoins sur le terrain, ce sont plutôt des petits projets. Une réforme militaire approfondie comprend plus que l’entraînement actuel de quelques bataillons par des partenaires internationaux (dont la Belgique, les Etats Unis, la Chine et l’Afrique du Sud). Il faut une vision congolaise pour la réforme de l’armée. La question n’est pas ‘quelle armée veulent les partenaires militaires pour le Congo ?’ mais ‘quelle armée veulent les Congolais pour leur pays ?’.

Une vision commune de la communauté internationale

Outre le rôle du Congo et des pays-voisins, les intervenants ont débattu le rôle de la communauté internationale. Les partenaires internationaux ne font souvent pas la même analyse de la guerre au Congo, ni de l’implication des pays-voisins comme le Rwanda. La division au sein de la communauté des bailleurs empêche le développement d’une vision commune de la construction de la paix dans la région. Un exemple par rapport à la reforme de l’armée. Pendant des années, nous avons constaté qu’une vision commune de cette réforme est absente. Chaque partenaire fait valoir sa propre coopération avec Kinshasa. Il n’y a pas de politique cohérente et les partenariats militaires font face à un problème de coordination. L’absence d’un ‘franc-parler’ dans le cas ou si les partenaires africains ne réalisent pas leurs engagements, est un autre problème.

‘Et quel est encore le rôle de la force onusienne?’ Depuis la chute de Goma la MONUSCO est davantage critiquée. Selon ses partisans, la MONUSCO ne pouvait pas faire grand chose après que l’armée congolaise ait quitté Goma. ‘Les casques bleus devaient protéger la population et ne pas se battre contre le M23. En plus ils ne pouvaient pas être partout pour prévenir les nombreux pillages.’ Parfois les Congolais se moquent de la mission de l‘ONU, en l’appelant ‘une mission d’observation’. Au Congo et au niveau international on plaide pour un renforcement du mandat de la MONUSCO. Cependant, son problème n’est pas son mandat, mais la volonté politique d’exécuter le mandat sur le terrain. La MONUSCO reçoit beaucoup de critiques, mais, de l’autre côté, personne n’ose plaider pour un retrait (soudain) de la force.

‘La Belgique, pourrait-elle comme partenaire international ayant beaucoup d’expertise sur le Congo, être un protagoniste dans la construction de la paix au Congo ?’ Nous constatons une attitude très réservée de notre pays pendant toute la crise du M23. Le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, préfère attendre prudemment les décisions aux niveaux européen et de l’ONU. ‘La Belgique essaie de mettre le dossier du Congo sur l’agenda de l’Union Européenne et de l’y maintenir, mais ce n’est pas évident puisque beaucoup de pays ont d’autres priorités et ne se font pas préoccupés par la région.’

‘Peut-on encore espérer des sanctions contre Kigali pour son soutien au M23 ?’ Suspendre la coopération au développement avec le Rwanda n’est pas une option pour le gouvernement belge. Cela aurait des conséquences graves pour la population. Il existe d’autres manières d’exercer des pressions sur Kigali. Par exemple, la Belgique s’est abstenue lors de l’élection du Rwanda comme membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Le président Kagame aurait très mal pris cette action.

Il est difficile pour la Belgique de jouer un rôle de premier plan dans la crise à l’Est du Congo : notre pays est trop absent sur le terrain en comparaison avec la France, les Etats Unis et les Pays-Bas. La Belgique n’a toujours pas ouvert un nouveau consulat à Bukavu (Sud-Kivu) et/ou à Goma (Nord-Kivu). S’agit-il d’un manque de volonté politique et de vision de la part du ministère des Affaires étrangères ? Ou se sont les autorités congolaises qui s’opposent à l’ouverture d’un nouveau consulat belge? Le fait est que pour l’instant la Belgique ferme mondialement des ambassades et des consulats.

3. Conclusion

La conclusion du débat : ‘Il faut de la volonté politique au niveau congolais, africain et international pour construire la paix au Congo. Pour l’instant cette volonté est trop limitée ou complètement absente.’ Il y a quelques années, le militant des droits de l’homme Sylvestre Bwira a vécu un cauchemar. Après avoir adressé une lettre ouverte au président Kabila, il a été enlevé et empoisonné. Maintenant Bwira s’est exilé aux Pays-Bas. Il est inacceptable que des personnes comme lui soient assassinées, qu’elles doivent fuir ou vivre en exil. ‘Des individus et des groupes congolais compétents et intègres méritent tout le soutien de la Belgique pour leurs activités quotidiennes dans le domaine de la construction de la paix. Finalement ce sont les Congolais qui doivent résoudre les problèmes de leur pays.’

En résumé nous pouvons dire qu’on peut construire la paix au Congo entre autres en:

  • organisant un dialogue national pour trouver des solutions politiques pour le processus de paix;
  • développant une vision congolaise d’une réforme militaire approfondie;
  • soutenant la lutte quotidienne des individus et des groupes congolais pour la paix;
  • nommant un envoyé spécial crédible et en lui donnant suffisamment de temps pour appuyer un processus politique;
  • utilisant une stratégie diplomatique et politique pour neutraliser les FDLR, avec la collaboration constructive du Rwanda;
  • développant une vision commune internationale/européenne pour la construction de la paix au Congo et en menant une politique cohérente et coordonnée (p.ex. quant à la réforme de l’armée, la défense des droits de l’homme, la construction d’un Etat de droit, …)

L’article est une traduction du texte en néerlandais Een nieuwe nationale conferentie voor vrede in Congo

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