Les bandes urbaines protègent les VIP congolais.

Lors de leurs visites en Belgique certains VIP congolais font appel pour leur protection à des individus membres de bandes urbaines bruxelloises. Cinq sources bien informées l’ont confirmé à MO*.
Le 29 septembre 2007 Olive Sita di Lembe, l’épouse du président Kabila, est en visite dans le quartier Matongé de Bruxelles pour y inaugurer officiellement ‘Au-delà de l’espoir’, une oeuvre d’art de l’artiste Freddy Tsimba. La diaspora congolaise – et parmi elle beaucoup de partisans de Jean-Pierre Bemba, leader de l’opposition – est présente en masse le long de la chaussée de Wavre et de la rue Longue Vie.
La police belge et la Sûreté de L’Etat veillent au grain. Mais ils ne sont pas les seuls : deux groupes de gardes du corps africains, habillés de noir et avec des lunettes solaires, surgissent brusquement dans le public. Le premier groupe est composé d’une dizaine de membres d’une bande bruxelloise, l’autre de membres d’une ex-bande active aujourd’hui dans le milieu des portiers de nuit. D’un regard qui en dit long ils clouent le bec aux opposants un peu trop bruyants du président Kabila.

Une source bien informée nous déclare : «  Ces gars sont payés par l’ambassade du Congo pour maintenir l’ordre. » Quelques jours auparavant, lors de l’arrivée du président Kabila à l’aéroport de Melsbroek, on signalait déjà des gardes du corps tout en noir d’origine africaine. «  Leur présence n’avait pas été convenue avec les autorités belges. »

La visite de VIP congolais a déjà donné lieu à des controverses dans le passé. En 1998 une rencontre à grande échelle entre feu Kabila père et la diaspora congolaise n’a pas pu avoir lieu pour   raisons de sécurité. Et la visite du fils Kabila à la ville diamantaire d’Anvers a connu un déroulement à ce point chaotique que l’ambassadeur du Congo, Jean-Pierre Mutamba, a failli être limogé.

Un cordon d’agents de sécurité.


Normalement c’est la Sûreté de l’Etat belge qui est chargée de la sécurité des VIP étrangers. Cela se passe sur ordre du Centre de Crise du Ministère de l’Intérieur après une évaluation de menace par l’organe anti-terreur OCAD. De cette façon la Sûreté de l’Etat a assuré la protection d’autorités congolaises pendant sept visites officielles les trois dernières années.
Mais beaucoup de VIP viennent en visite de manière informelle, parce qu’ils ont des relations familiales ou d’affaires en Belgique. Ainsi l’épouse du président Kabila était dans notre pays au début de l’année pour des raisons d’ordre privé. Pendant ces visites informelles aussi – où la Sûreté de l’Etat n’est pas engagée – un certain nombre d’individus faisant partie de bandes urbaines entrent parfois en action comme gardes du corps.

Une source bien informée nous confirme : «  Ils forment dans l’ombre un cordon  d’agents de sécurité et interviennent lorsque la Sûreté de l’Etat est absente. Ils se chargent par exemple de la sécurité dans le lobby de l’hôtel où réside le VIP. »
Encore une autre source : «  Les activités criminelles des bandes urbaines sont un côté de la médaille, l’aspect service de sécurité en est l’autre. Ce double aspect se retrouve d’ailleurs aussi au Congo : tout leader a une milice privée qui déploie d’ailleurs aussi des activités tout à fait légales. Un élément sociologique qui joue, c’est l’idée que s’ils abusent du système, ils seront moins sévèrement punis en Belgique qu’au Congo. »

«  Ils sont également présents en tant que service de sécurité lors de manifestations à Bruxelles. Ils sont payés par l’ambassade congolaise ou par les services de renseignement. Le phénomène a connu une poussée lors des élections présidentielles en 2006, au moment où l’opposition Bana Congo se manifestait, elle aussi, dans les rues de Matongé. »

L’ambassade du Congo est d’avis que c’est la Belgique qui doit organiser la protection , même pendant des visites informelles. Que cela ne soit pas le cas est considéré comme un manque de capacité des autorités belges. Le raisonnement est le suivant : «  Nous sommes obligés de faire appel aux bandes urbaines parce que la Belgique ne fournit pas la protection et nous n’avons pas l’argent pour louer les services d’agences de sécurité fort chères au demeurant.

La question est de savoir si la Belgique a la capacité suffisante pour assurer la protection des VIP en visite – a priori avec la  présidence belge de l’Union en perspective . En 2008 la Sûreté de l’Etat a protégé 169 VIP, parmi eux 30 chefs d’état, 46 premiers-ministres et 7 ministres des Affaires étrangères. Au total 63.859 heures de protection ont été prestées.

Un concert explosif.


Bruxelles compte une communauté congolaise importante. Selon les chiffres du Service des Etrangers il s’agit de 20.791 résidents congolais légaux, de 12.203 Belges d’origine congolaise, avec en outre des sans-papiers et des petits-enfants de la première génération de Congolais nés en Belgique et qui ont automatiquement la nationalité belge.
«  Ce qui se passe au Congo a ses répercussions sur la vie à Bruxelles » dit- on à l’unisson dans les cercles des services de sécurité. «  Au sein des bandes urbaines on trouve aussi bien des partisans que des opposants à Kabila. Les bandes peuvent être employées par les deux partis . Pour nous, ce sont des gangs, pour eux ce sont des services de sécurité. »
C’est au moment où la superstar congolaise Werrason a donné un concert à Bruxelles qu’on s’est aperçu à quel point la violence peut être grande dans la communauté congolaise.

Une de nos sources raconte : «  Comme le chanteur s’était prononcé en faveur de Kabila et que la diaspora congolaise compte beaucoup d’opposants à ce dernier, la police craignait le pire. Lors des fouilles du public à l’entrée on a trouvé pas moins de quelques centaines d’armes blanches. »  Un autre exemple fut la visite d’ Olivier Kamitatu, ancien président du Parlement congolais. «  Quand Kamitatu arriva à Bruxelles il y a quelques années, il venait juste de se ranger dans le camp de Kabila. Avec comme conséquence qu’un commando de jeunes membres des bandes se mit  à sa ‘recherche’. Toute une nuit ils ont sillonné Bruxelles , d’un hôtel chic à un autre ; en vain,  ils ne l’ont pas trouvé. »

Un certain nombre de jeunes des bandes urbaines sont aussi engagés pour espionner dans le milieu de la diaspora congolaise. On nous dit, toujours de source sûre : «  C’est l ’Agence Nationale de Renseignements ( ANR), soit l’organisation des services secrets congolais qui fait appel à eux.

Ils sont les yeux et les oreilles sur le terrain. Matongé constitue un miroir du Congo. N’oublions pas que les cerveaux de la classe politique et les petites amies des hauts placés vivent ici. C’est une forme de contrôle social exercé  sur la communauté congolaise. »

Et puisque les grandes puissances, comme la Chine et les Etats-Unis  montrent beaucoup d’intérêt pour les richesses en minerais du Congo, les développements au sein de la diaspora à Bruxelles sont également suivis de près par les services secrets chinois et américains. Les activités clandestines des bandes urbaines soulèvent donc aussi l’intérêt.

De manière un peu mystérieuse une source nous dit : «  Vu l’importance des richesses naturelles du Congo, il serait utopique de penser que ce phénomène laisse froid la Chine ou les Etats-Unis. »

Le racket.


«  Le phénomène de bandes urbaines africaines qui s’occupent du maintien de l’ordre se constate aussi  dans d’autres villes, comme Paris ou Londres. En Belgique le phénomène existe depuis une huitaine d’années. » nous dit- on. «  Cela a débuté dans le circuit de la musique : lorsque des superstars congolaises se produisaient à Bruxelles, les bandes urbaines proposaient leur protection. Ils jouaient aux gardes du corps lors de l’accueil des musiciens à l’aéroport ou au terminal du TGV à Bruxelles-Midi.
Pendant le concert même ils s’occupaient du maintien de l’ordre. Très vite il devenait clair que l’offre de protection n’était pas sans contrepartie – si on  la refusait, la chance de voir la salle de concert entièrement démolie était bien réelle – et donc on assista à l’instauration d’un vrai système de racket. «  Dès qu’on entre dans ce système c’est le début de la fin. De temps en temps il y eut d’ailleurs aussi des confrontations entre bandes rivales.
Lors d’un concert de Koffi Olomide dans le centre de Bruxelles, le chanteur dédicaça une chanson à un membre d’une bande. Immédiatement l’autre bande présente exigea aussi une ‘dédicace’. Par la suite des coups de feu éclatèrent,  de la panique s’en suivit, les gens voulurent sortir, ils furent dévalisés et il y eut bon nombre de blessés… Depuis lors les bandes n’ont plus l’autorisation d’assurer le maintien de l’ordre lors des concerts à 1000 Bruxelles, mais ailleurs dans la capitale et dans le pays cela existe toujours.

Il y a quelques videurs de firmes officielles, mais à côté d’eux il y a des membres des bandes urbaines. »

 Au fur et à mesure , non seulement des chanteurs congolais mais aussi d’autres VIP firent appel aux bandes pour assurer leur protection. «  Un incident a fortement influencé le phénomène. Il y eut la visite informelle de l’épouse du président de la République Centrafricaine au début des années 2000. C’était l’époque où les bandes régnaient en  maîtres. La femme du président, accompagnée pourtant de ses propres gardes du corps, fut assaillie par une bande dans la galerie Matongé  à Ixelles , jetée à terre et dévalisée.
Ses gardes du corps furent attaqués au sabre. Depuis ce jour on s’est dit : si nous faisons appel aux bandes, nous n’aurons plus de problèmes avec elles. Notre source bien informée ajoute cependant que le phénomène ne s’est plus manifesté depuis qu’ Henri Mova Sakanyi a été installé comme nouvel ambassadeur du Congo. «  Contrairement aux années passées tout évolue maintenant  dans le bon sens. »

Sujet diplomatiquement sensible.


D’autres instances officielles se déclarent complètement ignorantes du phénomène. Ainsi Jaak Raes, le directeur-général du Centre de Crise du ministère de l’Intérieur, qui doit assurer le bon déroulement des visites des VIP, nous déclare : « Si votre information est exacte, nous avons de quoi nous inquiéter. Il arrive que des VIP étrangers emmènent leurs propres gardes du corps – nous délivrons à cet effet au maximum six autorisations de port d’armes. Normalement l’ambassade du Congo est censée annoncer ces visites.

Il est cependant possible que cela se passe lors de visites informelles. »
Le Parquet de Bruxelles également n’est au courant de rien. Le substitut du Procureur du Roi, Paul De Gryse, spécialiste au sein du parquet en ce qui concerne les bandes urbaines, n’a pas ‘la moindre information à ce propos. Si cela se confirme, les gens de l’ambassade prennent de gros risques. Je tombe des nues. Mais si c’est exact, nous ferons notre boulot et vérifierons quelles peuvent en être les conséquences.’

La section spéciale Bandes Urbaines de la police bruxelloise nous renvoie à la Sûreté de l’Etat. Mais celle-ci n’est, selon ses propres paroles, pas au courant ‘ d’engagement éventuel de bandes urbaines congolaises pour la protection des VIP’.

L’OCAD et le Centre de Crise contrôlent pourtant de près la température au sein de la diaspora congolaise, certainement maintenant en vue des festivités des cinquante ans d’indépendance du Congo.

Jaak Raes : «  L’anniversaire du Congo ne passera pas inaperçu. Le climat agité qui règne au Congo s’amplifie dans le quartier de Matongé à Bruxelles. La communauté congolaise se prête volontiers à organiser des fêtes, qui parfois se terminent en bagarres…Nous allons prendre les mesures de sécurité nécessaires en vue des festivités des cinquante ans du Congo. »

Un porte-parole de l’ambassade congolaise dément toute l’histoire. «  Nous possédons une base de données avec l’identité de toutes les personnes qui assurent la sécurité des VIP, avec leur cv et leur certificat de bonne vie et mœurs. Ce ne sont pas des membres d’une bande. Mr. l’ambassadeur Mova est arrivé en Belgique il y a sept mois. Quelle était la situation auparavant , je n’en sais rien. Mais je ne peux m’imaginer que des membres d’une bande étaient employés en tant que gardes du corps, tout simplement à côté de la police belge. La Belgique n’aurait pas manqué de protester. »

Les bandes urbaines : d’une violence extrême.

Bruxelles compte une vingtaine de bandes avec un total de 400 membres, certains à peine âgés de douze ans. Très souvent, mais pas exclusivement, ils sont d’origine centrafricaine. Ils revendiquent leur propre territoire dans les rues de la capitale et n’hésitent pas à employer à cet effet des armes blanches ( haches, hachettes, battes de base-ball, machettes ).

Un certain nombre de membres sont extrêmement violents, ce qui résulte en attaques à main armée, en rixes violentes, en meurtres et dans le passé en viols en bande. Le racket et le commerce de la drogue sont également à l’ordre du jour.

Depuis que le phénomène des bandes urbaines structurées, hiérarchisées et violentes a vu le jour dans les années nonante à Bruxelles, la police, le parquet et les conseillers de prévention essaient de les surveiller le mieux possible. Selon certaines personnes bien informées la venue de centaines d’enfants-soldats d’Afrique Centrale explique en partie la dimension violente du phénomène, même si l’on a des doutes sur l’importance déterminante de ce facteur.

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